Des incertitudes quant à l'application du nouvel article 24 de la loi du 6 juillet 1989
Le Cabinet QUANTUM AVOCATS vous informe
La loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023, dans son article 10 modifiant l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, a réduit le délai d’acquisition des clauses résolutoires pour défaut de paiement du loyer à six semaines (contre deux mois auparavant).
En l’absence de dispositions transitoires, il était permis de s’interroger sur l’application de cette nouvelle disposition dans le temps.
Par un avis du 13 juin 2024 (n° K 24-70.002), la Cour de cassation répond à cette interrogation en retenant que l’article 10 de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 n’est pas immédiatement applicable aux contrats en cours qui demeurent, en conséquence, régis par les stipulations des parties et la loi antérieures et, en conséquence, par l’ancien délai de deux mois.
Pour statuer de la sorte, la Cour se fonde, en substance, sur le fait que la loi du 27 juillet 2023 ne contient aucune disposition dérogeant à l’article 2 du Code Civil consacrant le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle.
En apparence fondée, cette motivation rompt toutefois avec sa jurisprudence antérieure, et bien établie, selon laquelle :
1°) La loi nouvelle régit immédiatement les « effets légaux » du contrat (Cass. Avis, 16 février 2015, n° 15002) ;
Il est intéressant de relever que cet avis du 16 février 2015 avait été justement rendu à l’occasion d’une précédente modification de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 par la Loi dite « ALUR » ayant augmenté à trois ans, par dérogation au Code civil, le délai de grâce maximal accordé au locataire pour payer ses dettes locatives.
Se fondant sur la notion d'effet légal du contrat, la Cour avait considéré que cette modification s'appliquerait immédiatement aux contrats en cours (et ce alors que la loi ALUR prévoyait expressément le contraire !).
Quoiqu'il en soit, l'encadrement des clauses résolutoires est, à notre avis, l'expression d'un effet légal du contrat justifiant que sa modification régisse, indifféremment, et dans un souci d'égalité, tous les baux quelle que soit leur date de conclusion.
2°) Les dispositions d’ordre public, ce qui est le cas de l’article 24 de loi du 6 juillet 1989 en application de l’article 2 de cette même loi, sont immédiatement applicables aux situations contractuelles en cours et non encore définitivement réalisées.
De tout cela, il faudrait comprendre que la modification de la loi ne serait immédiatement applicable aux contrats en cours que lorsque ladite modification est favorable au preneur.
Pourtant, là encore, la Cour rompt avec sa jurisprudence antérieure qui retenait, à l'inverse, que l’ordre public devait jouer tant en faveur du locataire que du bailleur. (Cass. Civ. 3, 2 juin 1999, n° 97-17.373).
En conclusion, la Cour obscurcit les critères d’application de la loi dans le temps et prend le contrepied de la pratique majoritaire qui, se fondant sur les principes jurisprudentiels ci-dessus rappelés, tendait à appliquer ce nouveau délai de 6 semaines aux contrats en cours.
Cela sera immanquablement source de contentieux.
Paris, le 21 juin 2024